PASCAL GALINIER - terminus Billancourt


Il fut un temps où il ne fallait pas "désespérer Billancourt", selon la formule de Jean-Paul Sartre, mais depuis que Renault a cessé toute activité sur l'île Seguin, la classe ouvrière n'a plus grand-chose à en attendre et le site est en passe d'abriter une fondation d'art contemporain.

N'empêche que les anciennes usines Renault restent un lieu mythique, théâtre de l'histoire industrielle, sociale et politique du XXe siècle, un lieu secret aussi puisque l'industrie automobile a toujours eu le souci de protéger ses recherches. Existe-t-il vraiment une piste d'essai enfouie dans les entrailles de Billancourt, comme il y en avait une sur le toit du Lingotto, les usines Fiat de Turin, aujourd'hui transformées en galerie marchande ? Sur ce point, il faut probablement faire confiance à l'auteur qui a longtemps été journaliste spécialisé dans l'automobile et qui trouve là un cadre idéal pour une intrigue policière. C'est un domaine où l'espionnage industriel est de règle, et qui produit autant de rêves que d'enjeux économiques considérables.

CLEF DE CONTACT
L'affaire démarre Porte de Versailles à la veille du Mondial de l'automobile, lors d'une soirée costumée donnée par un magazine féminin. Le lendemain, jour de l'ouverture officielle, on retrouve, au volant d'une Ferrari F666, le cadavre d'un homme déguisé en Méphisto, tout de rouge vêtu. Crime ou suicide, affaire satanique ou guerre économique ? L'inspecteur Masco, qui doit son surnom au grand Fangio en personne, mène l'enquête sous haute pression (impensable d'annuler l'inauguration du Salon par le président de la République ni de contrarier les grands patrons de l'automobile).

Espionnage, coups tordus autour de la voiture du futur, l'histoire s'emballe non sans humour puisque tout le mystère repose sur une clef de contact, avec un morceau d'anthologie, la visite nocturne des arcanes de Billancourt. On ne tremble pas pour nos héros même quand ils sont traqués par des tueurs dans les conduits d'aération d'un laboratoire souterrain, même quand l'île Seguin tout entière menace d'exploser. Mieux, on se laisse emporter par ce thriller contemporain et nostalgique en forme de rêve de gosse, d'un gosse qui aurait beaucoup lu Blake et Mortimer, Michel Vaillant et L'Auto-journal.

Gérard Meudal