EVAN HUNTER - les mensonges de l'aube
Evan Hunter, alias Ed McBain, dévoile par petites touches
les mystères d'une New-Yorkaise aventurière.
Un regard drôle et tendre.
Dès qu'il quitte le commissariat du 87e district, dont il tient la chronique
depuis près de cinquante ans, Ed McBain change de quartier, de casquette
et de nom. L'anatomiste du crime, de la pègre et autres tares urbaines
devient alors le Dr Evan Hunter, de Park Avenue ou du Bronx, médecin
de la Graine de violence en milieu scolaire sensible, des âmes solitaires
et des Liaisons secrètes en banlieue chic. Quel que soit son pseudonyme,
McBain, Hunter, Curt Cannon, Hunt Collins, Ezra Hannon ou Richard Marsten, c'est
un romancier magistral, que le cinéma plus encore que ses livres a rendu
riche et célèbre: Kurosawa, Chabrol, Audiard, Richard Brooks ou
Philippe Labro l'ont adapté et Hitchcock fit de lui, pour Les Oiseaux,
le premier scénariste ornithologue de l'histoire du cinéma. A
78 ans, le signor Salvatore Lombino (son véritable patronyme) ne donne
toujours pas de signes de fatigue. Dans son nouveau roman, sans assassinat mais
non sans suspense, il apparaît tel que nous l'aimons: rapide, drôle,
disert, généreux et tendre.
Troubles. Les Mensonges de l'aube rongent une famille juive de New York, à
l'angle de West End et de la 81e, les Gulliver. Il y a des noms prédestinés:
chez eux, on voyage donc beaucoup. La mère, ancienne actrice de Broadway,
toujours entre Tokyo et Copenhague, et surtout Annie, la soeur jumelle d'Andy
le narrateur. Créatrice de bijoux érotiques, très yoga,
piercing, hypnose et tatouage, Annie n'a qu'un défaut: elle disparaît.
Hongkong, Berlin, Colombo, Palerme n'ont plus de secrets pour sa libido. La
menteuse, c'est elle. Son passeport pour le vaste monde: l'affabulation, qu'elle
pratique en virtuose. Elle piège à ses sortilèges sexy
des messieurs de passage. Cela peut se révéler dangereux: ne s'est-elle
pas évaporée une fois de trop? Mythomane, schizophrène,
ou simplement éprise de liberté, un vrai beau personnage de roman,
miroitant, mystérieux. L'auteur nous le fait découvrir par petites
touches, sous toutes ses facettes, pas toujours les plus reluisantes. Sa vérité
sur Annie, singulièrement multiple. Et attachante. Avant d'être
définitivement écarté par maître Alfred, Hunter avait
commencé à écrire le scénario de Marnie. Il subsiste
dans Les Mensonges de l'aube, portrait d'une névrosée, des traces
de ce travail ancien. Pas de printemps, pour Annie...
Michel Grisolia.