PIERRE PELOT - les chiens qui traversent la nuit


Chasse à l'homme en banlieue.

Ils disent simplement qu'ils habitent La Rue. Ils ont jeté les noms propres avec leur passé. Chacun se retrouve dans l'unique café du quartier, chez Cécilia, une fille qui en a vu d'autres. Il y a Caleb, Germano, Garbo, Colombo, Freddy... des cabossés de la vie, des errants qui squattent les maisons abandonnées et se tiennent chaud en se sentant moins seuls. Débarquent soudain chez Cécilia, sortant d'une Pontiac grise, un homme en cuir noir et ses trois acolytes en armes. Ils cherchent une fille qui leur a échappé et tapent au hasard sur ces loques humaines qui ne leur reviennent pas. La chasse à l'homme commence, elle sera sanglante. Caleb, celui qui voulait oublier la vie, n'a plus qu'à se transformer en justicier, tuer pour ne pas être tué, et gagner, à la fin, une sorte de paradis terrestre qui ressemble à un coin de bistrot sans le moindre luxe. Pierre Pelot nous refait Il était une fois dans l'Ouest version banlieue: le café, la horde sauvage, les irréductibles guerriers. Mais il ne s'encombre pas longtemps de références. Ce qu'il veut, c'est exprimer la tendresse des perdants, la peur de ne plus pouvoir aimer, l'envie de vivre qui résiste au malheur en continu. Ses personnages veulent croire au lendemain, ils ont souvent des mots maladroits pour s'avouer des choses définitives et Caleb, l'homme de passage qui finira par s'incruster, en est le symbole le plus émouvant. Ce roman très noir, violent et cruel, est finalement l'un des plus romantiques que l'on puisse lire aujourd'hui, surtout grâce à l'écriture de Pierre Pelot, vibrante d'adjectifs, inspirée et éclatante.

Dinah Brand