RICHARD PRICE - le samaritain
En 1993, Richard Price racontait dans Clockers le quotidien des petits dealers de drogue dans un quartier pourri de New York qu'il appelait Dempsy. Six ans plus tard, Ville noire, ville blanche, encore à Dempsy, opposait les deux communautés à la suite de l'enlèvement d'un enfant blanc par un Black. Dans ces deux livres, on retrouvait l'exploration de la nature humaine, une façon unique de plonger dans la vie quotidienne, d'ajuster les dialogues.
Le Samaritain se situe toujours à Dempsy. Ray Mitchell, ancien prof de lycée, décide de revenir dans la cité de son enfance pour diriger bénévolement un atelier d'écriture. Très vite, il établit entre les élèves du misérable lycée et lui, le prof bien installé, une forme de connivence. Un mois plus tard, Ray est agressé dans son appartement. A l'hôpital, il refuse de donner le nom de son agresseur, même à son amie d'autrefois, l'inspectrice noire Nerese Ammons. Richard Price renoue avec ses terrains de prédilection: les communautés raciales, la rue et ses drogues, la misère urbaine. Il crée une galerie de personnages à la fois emblématiques et fortement attachants. Mais il va encore plus loin que dans ses romans précédents car ce Samaritain est un héros généreux qui est aussi capable de dévorer les autres que d'être dévoré. Price se glisse dans l'âme de l'homme pour entamer ce sombre voyage. A aucun moment, l'auteur ne relâche la pression, glissant du passé au présent, jetant le froid et le chaud, déroutant son lecteur tout en le tenant en haleine. Ce roman bouleversant et tragique est le livre le plus abouti de cet auteur exigeant.
Dinah Brand