GRAHAM MASTERTON- le complot Sweetman
En 1979 commence une aventure éditoriale hors du commun : Hélène
et Pierre-Jean Oswald, déjà connus pour leur parcours rétif
aux sentiers battus, lancent avec un premier titre hautement symbolique (Sept
pas vers Satan d'Abraham Merritt) une collection vouée à la célébration
du fantastique et de la science-fiction. Suivront des rééditions
de classiques introuvables mais aussi des inédits (Robert Bloch, B.R.
Bruss, Robert Howard, etc.) qui, sous la marque «Néo», ne
tardent pas à séduire une jeune génération de fans
par trop négligés par l'édition traditionnelle.
Une seconde collection s'ajoute à celle dont toutes les couvertures s'ornent
d'une gouache inventive de Jean-Michel Nicollet. Il s'agit du «Miroir
obscur» (hommage à un roman de Helen McCoy, auteur des enquêtes
d'un détective-psychanalyste), consacré à la redécouverte
des meilleurs romans noirs ou de suspense, comme ceux de Dorothy B. Hugues,
Howard Fast, Pierre Signac, mais aussi à quelques chefs-d'oeuvre oubliés,
tels la Forêt de marbre de Théo Durant ou la Main gauche de la
nuit de John Franklin Bardin.
Vers 1990, malheureusement, la belle aventure se termine, malgré un public
conquis par le rituel «Néo». Celui-ci se prolongera de 1997
à 2003 à travers «le Cabinet noir», accueilli par
les éditions des Belles Lettres.
Désormais seule et sous le label du Cherche Midi, Hélène
Oswald a repris cette année le flambeau d'une ligne éditoriale
fidèle à ses amours littéraires. Un premier succès
a marqué la sortie de la Conspiration des ténèbres, fiction
puissante du théoricien de la contre-culture Théodore Roszak.
La collection «Néo» réapparaît aujourd'hui,
avec une couverture de Jean-Claude Claeys, et un roman dû à l'un
des auteurs fétiches de la série d'origine : Graham Masterton.
Le Complot Sweetman, publié en langue anglaise en 1979, met en scène
un sénateur lancé dans la course à l'élection présidentielle
américaine de 1980, personnage particulièrement crapuleux que
l'auteur, ici au meilleur de sa veine vitrioleuse, nous rend encore plus méprisable
que le serial killer dont il est aussi question.
Le suspense de ce roman, par ailleurs hilarant, s'articule autour d'une théorie
sociologique affolante, «la courbe du professeur Sweetman», dont
le dévoilement progressif va constituer le défi à relever
pour le véritable héros de l'histoire. Celui-ci se nomme John
Cullen et travaille comme jardinier-chauffeur chez une richissime veuve de Beverly
Hills tout en pigeant pour le Los Angeles Liberal Journal. Tout commence pour
ce garçon frondeur avec la mort brutale de sa fiancée, victime
d'un tueur opérant depuis sa voiture. Cullen ne tarde pas à comprendre
que d'autres assassinats ont été perpétrés par ce
chauffeur solitaire et mène alors l'enquête en compagnie de Mel
Walters, son excentrique voisin.
Une course contre la montre s'engage entre le tueur et ces deux enquêteurs
improvisés, de plus en plus conscients de l'existence d'un complot à
l'échelle des Etats-Unis. Ayant enfin déniché Sweetman
dans sa retraite, ils découvrent le lien unissant ce savant, le tueur
et le sénateur Carl Chapman, puis s'élancent vers le dernier temps
fort de cette étonnante mascarade politico-policière.
On connaissait surtout Masterton pour ses romans fantastiques au folklore très
personnel : la saga Manitou ou la trilogie des Guerriers de la nuit. On le découvre
ici en digne rival de Dan Simmons et de Dean Koontz avec en supplément
cet humour cockney dont ses lecteurs se régalent.