MEYER LEVIN - crime


Chicago, 1924. Judd Steiner et Artie Straus, deux adolescents surdoués issus de la grande bourgeoisie, assassinent un petit garçon. Pourquoi? Pour rien... pour la "beauté du geste". Persuadés que leur crime est parfait - puisque gratuit - et que leur intelligence monstrueuse les met au-dessus des lois et de ses représentants, ils sèment des indices et provoquent la police qui finira par les arrêter. Lorsque l'écrivain américain Meyer Levin (1906-1981) écrit ce roman hallucinant, publié en 1956, il s'appuie sur un fait divers survenu quelque trente années plus tôt, et auquel il se trouva mêlé. Il est alors un étudiant pauvre qui paie ses études en "pigeant" pour des quotidiens, et fréquente la même école que les deux meurtriers. Chargé d'une petite enquête par l'un de ses employeurs, il soupçonne rapidement Steiner et Straus. Dès lors, il n'aura de cesse de comprendre le mécanisme implacable de ces deux cerveaux surdéveloppés, imbibés de lectures nietzschéennes mal interprétées. Après la Seconde Guerre mondiale, il rend visite au seul survivant du couple infernal, incarcéré dans un pénitencier et entreprend le récit romancé - mais finalement si peu - de la tragédie. En rejetant tout manichéisme, en allant jusqu'à se mettre dans la peau des deux assassins, en rapprochant ce "fait divers" des camps de la mort qu'il découvre avec les premiers soldats américains en 1945, Meyer Levin tente une autopsie de l'horreur. Il montre comment le sentiment d'une supériorité, devenue objet de culte personnel ou collectif, conduit immanquablement à l'anéantissement de l'Autre.

Alexie Lorca.