CALEB CARR - le tueur de temps
Caleb
Carr a fait sensation dans le domaine de la littérature policière
avec L'Aliéniste et L'Ange des ténèbres. Il récidive
aujourd'hui, mais cette fois dans le champ de l'anticipation, avec un roman
qui se passe en 2024 sur une Terre où les effets de la mondialisation
et de la course effrénée au profit se font durement sentir : il
n'y a plus un seul poisson dans les océans qui sont devenus de gigantesques
dépotoirs. Cette mondialisation de l'économie s'est accompagnée
d'une mainmise totale des grands groupes sur l'information ("L'information
n'est pas la connaissance", martèle Caleb Carr), les médias
et bien sûr la Toile. Cette mainmise n'aboutit pas seulement à
une information partiale et partielle ; elle a facilité le recours au
mensonge, à l'intoxication, au bourrage de crâne généralisé.
Cet état de la société mondiale n'est pas du goût
de Malcolm Tressalian, un fils de famille richissime qui, entouré d'une
équipe de scientifiques talentueux et rebelles, a entrepris de lutter
contre cette désinformation par la mystification savamment montée,
par le bobard déstabilisant, de se battre contre le système en
retournant ses armes contre lui. Le Tueur de temps est une charge politique
d'une grande férocité contre les "errements" du libéralisme,
d'une radicalité qui étonne de la part d'un auteur américain.
Le roman peut également être qualifié de vernien tant par
le parcours de l'étonnant vaisseau à bord duquel le narrateur
fait un voyage proprement extraordinaire que par la personnalité de Malcolm
Tresallian qui ressemble à un mélange de capitaine Nemo et de
Robur le Conquérant, engagé dans un combat sans merci, aux conséquences
parfois douloureuses, mais qu'il finira peut-être - comme le laisse entendre
le dernier chapitre - par gagner en rendant "moins fou" notre monde
"perturbé".
Pour un coup d'essai, c'est un coup de maître !
le monde
03/05/2001