KARIN ALVTEGEN - trahie
Un animal effrayé est dangereux, il en va de même des humains. Les romans de Karin Alvtegen traitent de la peur et à ce titre sont considérés comme des thrillers. Son premier roman traduit en français, Recherchée (Plon, 2003 et "Points" Seuil), lui a même valu en Suède le prix du Meilleur roman policier nordique en 2000 et on la compare souvent à Liza Marklund ou à Henning Mankell, deux grandes figures du polar suédois, bien qu'elle soit très différente de l'un comme de l'autre. Pas de détective chez elle comme la brillante journaliste Annika Bengtzon de Liza Marklund, pas de policier tourmenté comme le Kurt Wallander d'Henning Mankell, simplement des gens ordinaires pris dans les situations les plus banales de la vie courante, mais qui sont tous tenaillés par l'angoisse d'être trahis, mal aimés, incompris.
Il est fréquent dans les romans noirs de considérer que la peur est l'apanage des victimes face aux dangers qui les menacent, tandis que la haine ou la folie destructrice est exclusivement du côté des bourreaux. Ce que Karin Alvtegen s'applique à démontrer c'est que, non seulement la peur provoque des conduites aberrantes, mais qu'elle peut souvent entraîner des comportements criminels. La distinction entre les "bons" et les "méchants" s'en trouve abolie, et l'intrigue, parfaitement amorale, ne peut plus laisser espérer que chacun au final soit rétribué selon ses mérites. "Il n'existe ni châtiments ni récompenses, uniquement des conséquences logiques", affirme la phrase placée en exergue de Trahie, qui est tout simplement l'histoire d'un divorce... Il y a chez Karin Alvtegen la nostalgie de la famille qui serait le cocon idéal où chaque individu pourrait se sentir en parfaite sécurité, à l'abri des agressions du monde extérieur, quand on sait qu'elle est bien souvent le lieu privilégié des affrontements en tous genres... Eduqués ou pas, les personnages de Karin Alvtegen, travaillés par des terreurs ancestrales, évoluent dans un monde sauvage où l'homme est un loup pour l'homme, où l'agneau lui-même n'est jamais totalement inoffensif.
Gérard Meudal.