HELEN KNODE - terminus Hollywood
Helen
Knode, 46 ans, est la deuxième épouse de James Ellroy, star du
roman noir qui, depuis vingt-cinq ans, réécrit d'une plume survoltée
l'histoire américaine. Cela peut suffire à donner envie de lire
Terminus Hollywood, le premier roman policier de cette ex-critique de cinéma.
Son histoire sans chichis d'une jeune critique de cinéma qui s'improvise
enquêtrice, apporte à l'amateur son comptant de violence, coups
fourrés et autres dilemmes. Et le suspense (qui a violé et tué
la belle aspirante réalisatrice retrouvée dans la baignoire de
la critique ?) se double d'une charge féroce contre Hollywood : de la
MGM à nos jours, c'est le portrait d'une Babylone sans foi ni loi, dominée
par le fric et le sexe. Rencontre avec l'iconoclaste, parfaitement bilingue,
à l'occasion d'une promo parisienne.
Pourquoi un roman policier ?
Le point de départ, c'est un ras-le-bol du cinéma et du journalisme.
Je tenais une rubrique cinéma au Los Angeles Times Weekly et j'ai eu
soudain le sentiment que, pour vraiment parler des choses qui m'intéressaient,
il fallait que je change de registre. Et pile à cette époque-là,
je lis le Dahlia noir. Cette femme, Elizabeth Short, enlevée, retrouvée
coupée en deux dans un terrain vague... L'histoire m'a saisie, m'a fait
penser à la théorie féministe selon laquelle la femme est
«l'objet de la violence», et je me suis demandé ce que c'était
d'être le sujet de la violence. Mais Ellroy m'a appris qu'on pouvait aussi
réagir à ce genre d'histoire viscéralement, plutôt
qu'avec l'arsenal intellectuel. Ca m'a donné envie d'écrire un
roman, et j'ai choisi le registre policier. Un récit policier est avant
tout une intrigue, et, dès lors qu'elle se tient, le livre fonctionne.
Comme dit Ellroy, c'est une question de mécanique, pas de littérature.
Ca n'est pas un hasard si beaucoup de grands cinéastes ont commencé
par des films policiers : Godard, Wenders, Kurosawa...
Comment avez-vous rencontré Ellroy ?
Par le biais d'un ami journaliste qui préparait un article sur lui pour
Rolling Stone à l'occasion de la parution de LA Confidential. Je n'avais
rien lu de lui, et voilà, on se rencontre, il m'envoie ses livres, dont
le Dahlia noir. Pourtant, je me méfiais du genre : j'avais lu quelques
Chandler et Hammett, c'est tout. Pour moi, c'était surtout des mecs qui
écrivaient ce genre de truc, des misogynes, des impuissants, des losers
! Mais le Dahlia noir, c'est tout sauf ça, pas du tout l'histoire d'une
femme qui, quelque part, méritait ce qui lui était arrivé.
Et c'est aussi un roman impressionnant sur Los Angeles.
«Terminus Hollywood» a une dimension féministe.
Parce qu'Hollywood depuis toujours mange et tue des femmes, prend leurs corps
et leurs âmes. C'est d'ailleurs une des conventions de son cinéma
: la blonde maudite qui vient chercher la gloire à Hollywood et en est
victime, parce qu'elle est bête et pas assez forte pour être Bette
Davis. Pour le personnage de la réalisatrice assassinée, je me
suis inspirée de Kathryn Bigelow, qui voudrait aussi tourner des films
d'action mais les studios ne lui en donnent pas les moyens, continuent de cantonner
les femmes aux comédies ou aux drames sentimentaux. Voilà pourquoi
Thelma et Louise est si important : c'est un road-movie sur la condition féminine,
où les femmes réagissent à la violence logiquement, sans
vérifier d'abord l'état de leur coiffure. Comme mon héroïne,
qui devient une «dure à cuire», le fameux «hard boiled
detective» du roman noir. En ce moment, j'écris la suite de Terminus
Hollywood, qui prend là vraiment la tournure d'un road-movie.
Votre roman est cinglant à l'égard d'Hollywood.
Tout le monde du moins tous ceux qui s'y connaissent est d'accord pour dire
que la production est mauvaise et que le système pue. Sur le passé,
hormis des détails, tout ce que je raconte sur la MGM est vrai. L'antisémitisme,
les baisodromes, le marché de la chair féminine... Hollywood a
toujours fonctionné autour du quatuor ego, sexe, argent, puissance.
Aujourd'hui, je vais très peu au cinéma. Comme je dis dans le
livre, 500 films par an, dont à peine 20 regardables ! Et je suis devenue
«yahoo», comment dire... Je m'en fiche ! Par exemple, à tous
les films nominés aux oscars, soi-disant sérieux mais complètement
bidons, je vais préférer Titanic, Pirates et Caraïbes, Joue-la
comme Bechkam ou Legally Blonde 2... Reese Witherspoon, voilà une actrice
géniale, qui assume ses rôles sans condescendance ; il y a du Carole
Lombard chez elle.
Vous n'écrirez que des romans policiers ?
Non. Fondamentalement, je n'ai pas une vision noire du monde, je suis optimiste,
je crois à la vie, aux gens, au changement. En fait, j'aimerais inventer
l'équivalent américain d'Angélique marquise des Anges.
J'adore cette femme ultra féminine mais en même temps courageuse
et puissante, qui vit des aventures incroyables sur plus de vingt ans, qui change
l'Histoire ; tout de même, elle mène la révolte des protestants
contre Louis XIV !