JEAN-CLAUDE IZZO - Solea
Jean-Claude Izzo a pris le large
Avec son héros Fabio Montale, Jean-Claude Izzo avait, en trois livres, conquis les lecteurs de polar, ainsi que tous ceux qui cherchaient dans le roman policier un supplément d'âme. Certes, Montale était flic - du moins, au départ -, mais il était surtout un homme épris de liberté, sachant regarder avec gourmandise les femmes, le pastis, les petits farcis et cette ville de Marseille aux ruelles parfumées, aux bistrots accueillants, aux émigrés de tous poils. Fils d'une couturière espagnole et d'un barman napolitain, Izzo avait su très tôt que la vie n'était pas un lit de roses. Un CAP d'ajusteur, des envies de politique et la découverte de la lecture, autant de moments de vie qu'il allait engranger pour plus tard.
Sa rencontre avec Michel Le Bris le fait définitivement changer de cap. La revue Gulliver et le festival "Etonnants Voyageurs" de Saint-Malo lui permettent de côtoyer les écrivains, d'écrire ses premiers textes: de la poésie, des nouvelles et son premier roman dans la Série noire, Total Khéops, en 1995, suivi de Chourmo puis de Solea.
Timide et sincère, Izzo mettait dans ses livres du sentiment, de la conviction sociale et une passion pour ceux qui avaient du mal à rentrer dans le rang. Un coucher de soleil continuait de le faire rêver, il gardait du temps pour ses amis et ce ne sont pas 200 000 exemplaires vendus de son premier roman qui allaient lui tourner la tête et le transformer en roi du best-seller. Après les Marins perdus (chez Flammarion) en 1997, il publiait en Librio Vivre fatigue puis, l'année dernière, Le soleil des mourants. Titres prémonitoires pour celui qui vient de mourir d'un cancer du poumon à cinquante-quatre ans.
On peut se dire que la vie n'est pas juste, que ce romancier venait à peine de rencontrer le succès et méritait de profiter un peu plus d'une vie enfin douce et aimante. On peut se dire que la source littéraire était loin d'être tarie et qu'il avait encore tant de choses à écrire. On peut évoquer tout cela en le revoyant attablé à Marseille dans l'un de ses cafés préférés, un endroit qui ne paie pas de mine mais qu'il aimait parce qu'on y parlait librement, joyeusement.
On est triste de perdre un ami qui nous offrait en quelques pages autre chose que du roman bien ficelé. Des aventures graves et sombres, mais aussi des histoires d'hommes et de femmes assis tout près des calanques en train de regarder la mer et de chuchoter.
Christine
Ferniot