R.J. ELLORY - seul le silence


Sans doute est-ce cette prose apparemment limpide, singulièrement dense, puissamment évocatrice. Cette manière subreptice de distiller le soupçon et l'inquiétude, de faire toucher, de façon palpable, l'emprise de l'obsession sur le narrateur, qui font de ce livre un véritable piège, dévorant, parfaitement construit. Seul le silence, premier roman traduit du Britannique Roger Jon Ellory, est une révélation. On pense à De sang-froid, de Truman Capote, auquel il est dédié, pour la précision maniaque de ses détails, cette volonté d'épuiser son sujet, cet acharnement à comprendre les crimes qu'il met en scène. Une série de viols et de meurtres de fillettes, commis sur une trentaine d'années, au fin fond du sud des Etats-Unis. Joseph Vaughan, qui avait tout juste 12 ans, l'été 1939, quand tout a commencé et qui, devenu écrivain, va consumer sa vie à tenter d'élucider le mystère, raconte par le menu. Seul le silence est un impeccable thriller, d'une éclatante noirceur, un livre magnifique sur l'énigme du Mal et la culpabilité, la rédemption par l'écriture. Mais surtout la tragédie d'un homme « exilé », brûlé par ses souvenirs d'enfance, marqué par la mort qui a très tôt frappé à sa porte. Exactement résumé par cette phrase de la romancière Cynthia Ozick, citée en exergue : « Ce que nous nous rappelons de notre enfance, nous nous le rappelons pour toujours - fantômes permanents, estampés, écrits, imprimés, éternellement vus. »

Michel Abescat.