JO NESBØ - rouge-gorge
Jo Nesbø : une personnalité aux multiples talents !
Que ne sait-il pas faire ! Musicien et auteur-interprète, il est écrivain et journaliste économique. Né en 1960, il est également le chanteur de Di Derre, un des groupes pop les plus célèbres de Norvège. Il a obtenu, entre autres récompenses, le Glass Key Prize pour son premier roman L'homme chauve-souris de 1997. Puis un nouveau succès avec Les cafards et, n'en doutons pas, avec Rouge-gorge.
Urias, héros vengeur(s)
Seconde Guerre Mondiale : Gudbrand Johansen, alias Urias, est engagé comme volontaire dans l'armée allemande et combat sur le front russe avec quelques compatriotes, dont Sindre Fauke et Edward Mosken, le chef de l'équipe, tous formés à Sennheim, petit village perdu d'Alsace.
Blessé peu avant la reddition allemande, il rencontre Helena, jeune infirmière autrichienne qui facilite son évasion de l'hôpital et qui lui gardera un amour intact au fil des ans. Mais à la fin de la guerre, Urias doit assassiner les membres restants de sa famille, pour prouver son attachement à la Norvège et aux Résistants, et ainsi éviter le procès et la prison.
On le retrouve aujourd'hui préparant un attentat, pour se venger du roi de Norvège, qu'il estime avoir trahi les combattants comme lui pendant la dernière guerre. Mélangeant un peu les événements et les époques, il programme le crime pour le 17 mai, jour de la fête nationale commémorant l'Armistice.
L'inspecteur Harry Hole
« Veste de costume un peu trop petite, un jean noir et de grosses Dr Martens de la même couleur. Les cheveux coupés hyper court et la silhouette mince et athlétique indiquaient un début de trentaine. Mais les yeux injectés de sang, les poches qui apparaissaient dessous et la peau pâle parsemée de fins vaisseaux qui s'étendaient çà et là en petits deltas rouges allaient plutôt vers la cinquantaine (p.23) ». Harry Hole est un inspecteur intègre et célibataire, qui se bat pour arrêter de boire et de fumer. Il fait équipe avec Helen, trentenaire et ornithologue à ses heures, qui veille sur lui plus ou moins.
Dans le cadre de son travail, Hole tire sur un inconnu qui s'avère hélas membre des Services Secrets. Pour étouffer la bavure, on le transfère… aux Services Secrets pour établir une vague évaluation des milieux néo-nazis, le 17 mai cette année-là coïncidant avec la fête musulmane de l'Eid. Ses supérieurs espèrent ainsi le cantonner aux tâches administratives.
Mais c'est mal le connaître : Hole, épluchant les incidents quotidiens de la bourgade de Siljan, tombe sur une plainte pour coups de fusil. Or il découvre que les cartouches employées correspondent à un Märklin, arme rare surtout prisée des mercenaires pour abattre leurs cibles à des centaines de mètres. Détricotant le complot, il voit que la première victime n'est nul autre que Helen, son ancienne partenaire, assassinée pour avoir découvert la taupe qui, au sein de la police, fait de son mieux pour promouvoir ses idées et contrecarrer le combat contre le néo-nazisme. La liberté d'action de son nouveau poste lui donne certains pouvoirs dont il use et abuse, notamment pour retrouver l'assassin d'Helen : « une sorte de libero […] Je suis ce type du SSP [Services Secrets norvégiens] qui fonctionne en solo, mais qui a besoin de l'aide de tous les services en cas de besoin. Je suis celui qui n'en réfère qu'à Meirik [le chef], mais qui a accès à tous les documents concernant cette affaire. Celui qui pose des questions, mais de qui on ne peut pas exiger de réponses (p.369) ».
Entre-temps, il tombe amoureux de Rakel, la fille de Sindre Fauke et de sa supérieure hiérarchique, qui a des problèmes pour conserver la garde du fils qu'elle eut d'un bref mariage avec un Russe. Son enquête s'entrecroise au travail quotidien : témoignage à un procès, dont l'accusé Sverre Olson joue un rôle important dans l'enquête principale. Hole est un professionnel qui, tout en les écoutant, se méfie néanmoins de ses réactions les plus humaines : « il reconnaissait cette sensation, cette certitude soudaine de l'identité du meurtrier, et il savait qu'elle était dangereuse. Dangereuse parce qu'à cause d'elle on cessait de laisser sa place au doute, aux petites voix qui informaient des auto-contradictions, de ce que le tableau avait malgré tout d'imparfait. Le doute, c'est comme de l'eau froide, et on n'en veut pas quand on sent qu'on est sur le point d'arrêter un meurtrier (p.306) ».
Un roman instructif et bien construit
Ce roman est bien écrit, agréable à la lecture, avec des personnages réalistes et une intrigue riche en rebondissements. L'histoire, complexe mais claire, est sans failles et sans invraisemblances. Comme on le verra, la morale n'est pas davantage respectée que dans la vie réelle…
Et comme en France, beaucoup de Norvégiens se sont découverts résistants en 1944. L'auteur évoque cette période de l'histoire de Norvège, que ses concitoyens préfèrent volontiers laisser dans l'ombre. En se référant à ces événements vieux de soixante ans, il a su montrer le modernisme de la police norvégienne, en évoquant le dédoublement de personnalités… Captivant !