FRED VARGAS - pars vite et reviens tard
A deux
pas de la gare Montparnasse, Joss exerce un drôle de métier. Ce
natif de Guilvinec est, depuis sept ans, crieur de nouvelles. A l'heure du câble
et du satellite, des e-mails et de l'Internet, il continue de déclamer
les petits mots glissés dans son urne, trois fois par jour à heures
fixes. Habituellement, les nouvelles se limitent à quelques déclarations
d'amour ou de haine, petites annonces de quartier ou réflexions sur l'automne
morose. Or, depuis quelques jours, d'étranges citations viennent se joindre
au sympathique fatras du crieur. Des phrases rédigées en vieux
français, inquiétantes comme des prédictions morbides.
C'est alors qu'intervient le commissaire Adamsberg, héros familier de
Fred Vargas, un flic nonchalant qui préfère réfléchir
en marchant qu'écrire en pensant. L'accompagnent son collègue
Danglard, Camille, son amoureuse, et des personnages croqués au passage
comme Hervé, brodeur de napperons, ou Lizbeth, prostituée-chanteuse.
Ce roman noir finira par trouver sa résolution du côté d'un
XVIe siècle pétri d'angoisses et de maladies qui rendent fou.
Une fois encore, Fred Vargas a réussi à marier des éléments
et des situations totalement hétéroclites: personnages d'aujourd'hui
et peurs médiévales, situations actuelles et plongées dans
les racines du mal, écriture d'une élégance aux raffinements
classiques et clins d'il pleins d'humour. Vargas assemble tout son puzzle
selon une logique finalement implacable et pour le bonheur d'un lecteur bluffé
par son savoir-faire. Un peu comme Joss qui, dans ses annonces quotidiennes,
glisse sans effort du rire aux larmes, du drame à la fantaisie. Mieux
encore, la romancière nous donne, sans jouer les mijaurées, une
petite leçon philosophique et littéraire sur la faiblesse de notre
société et la bêtise de certains qui confondent l'essentiel
et le futile.
par Dinah Brand.