MAURICE ATTIA - Paris blues


En plus de son parfum nostalgique, le titre du dernier roman de Maurice Attia, qui clôt sa trilogie policière entamée avec Alger la noire et poursuivie avec Pointe rouge, a le mérite de plonger immédiatement le lecteur dans une atmosphère cinématographique : c'est aussi le titre d'un film de Martin Ritt avec une étonnante distribution qui compte entre autres Paul Newman, Sidney Poitier, Louis Armstrong, Serge Reggiani et Michel Portal, et qui date de 1961.

Le roman, lui, se déroule dans les années 1970, plus particulièrement dans le cadre de l'université de Vincennes. Paco Martinez, flic de Bab el-Oued qui a déjà pris de sérieux coups lors de ses précédentes aventures à Alger puis à Marseille, se voit confier cette fois un boulot de tout repos. Il s'agit d'infiltrer la section cinéma de l'université de Vincennes où un projectionniste a été retrouvé assassiné d'une manière originale, tué par la piqûre d'une mygale. Même s'il n'a plus tout à fait l'âge d'être étudiant, Paco parvient sans trop de mal à se faire passer pour un sympathisant de la Gauche prolétarienne : il se plie à l'exercice de l'autocritique en participant au pillage de l'épicerie Fauchon, place de la Madeleine. Ce qui fait le charme de Paris Blues, plus que l'intrigue elle-même, c'est la manière dont Maurice Attia recrée l'atmosphère d'une époque.

1970, c'est l'année où les Halles quittent le ventre de Paris pour s'installer à Rungis, où l'on voit s'ouvrir les premiers sex-shops en pleine libération sexuelle, c'est l'année du procès d'Alain Geismar, des grèves et manifestations de petits commerçants organisées par le Cidunati, de la mort du général de Gaulle, du spectaculaire incendie d'une discothèque, le 5-7 à Saint-Laurent-du-Pont, survenu quelques jours plus tôt - ce qui amena Hara-Kiri à annoncer la mort de l'ancien président de la République par le titre "Bal tragique à Colombey, un mort" qui lui valut d'être interdit...

Tous ces événements ne servent pas seulement de décor, ils deviennent de véritables éléments de l'intrigue. Mais au-delà des rebondissements qui en constituent nécessairement la trame, Maurice Attia apporte au genre policier un regard original, inspiré de sa double activité de cinéaste et de psychanalyste. Parmi les joyeux cinglés qui peuplent cet épisode, il brosse en particulier le portrait de deux véritables cas cliniques, celui d'une militante maoïste qui se prend pour une sorcière et celui d'un officier de cavalerie nostalgique de l'Algérie française.

Le sens du cadrage.

Mais c'est surtout à sa passion du cinéma que l'auteur se livre sans retenue. Les références explicites dans ce domaine sont tellement nombreuses qu'il a fallu en dresser une liste en annexe au roman - sans parler des allusions implicites et des clins d'oeil. Maurice Attia a le sens du cadrage, de l'image éloquente quand il décrit les couloirs de l'université de Vincennes ou le quartier des Halles avant le départ du marché de gros, mais aussi quand il évoque une visite éclair à la Sagrada Familia de Barcelone ou la découverte étonnante du Musée Fragonard au sein de l'école vétérinaire de Maisons-Alfort.
On a l'impression de voir défiler un film d'actualités vieux d'une quarantaine d'années. Les images tremblent un peu parfois, mais elles ne manqueront pas d'éveiller quantité de souvenirs dans la génération des soixante-huitards.