LAURENT MARTIN - L'ivresse des dieux
Max
Ripolini est un policier municipal de Marne la vallée, il vient de vivre
un drame qui va le faire s'intéresser à une affaire de meurtres
en série…
L'auteur a décidé de confronter la Tragédie Grecque au
roman noir, le livre est ainsi partagé entre le narrateur qui raconte
son histoire, le chœur qui correspond à la cité (ici Marne
la Vallée, autre personnage du roman) et le coryphée qui fait
des commentaires sur les actions et pensées du héros. Ce rapport
à la Tragédie pourrait n'être qu'un exercice de style, un
jeu vain s'il n'apportait rien à l'histoire, ce n'est pas le cas ici.
Ce chœur, ce coryphée permet d'avoir plusieurs angles de visions
sur chaque action, à la manière de caméra de surveillance,
mais aussi permet d'être à la fois à l'intérieur
de Max et à l'extérieur, donnant du relief à son existence,
cela permet de s'intéresser à l'individu et à ce qui l'entoure.
Une idée intéressante est aussi d'avoir pris comme héros,
comme centre un policier municipal, ce n'est pas lui qui mène l'enquête
directement, il est un peu en marge, il est bien placé pour regarder
ce qu'il se passe autour de lui avec un léger recul. Ainsi ce n'est pas
l'intrigue et la recherche de " qui tue qui et pourquoi " qui intéresse
Laurent Martin, mais comment ces meurtres influent sur les personnages, leurs
réactions et interactions, ce qui l'intéresse, c'est ce qui passe
autour, et ce flic municipal symbolise aussi les intentions de l'auteur, son
rapport au genre, à la fois au centre et à la marge. Une variation.
Un mélange de diverses influences, le néopolar français
avec sa cité, sa description sociologique précise d'un lieu, (qui
n'évite pas toujours la caricature, en particulier avec ses jeunes voyous
un peu attendus dans leur comportement), son flic paumé et alcoolique,
et le roman noir à l'américaine avec cette enquête sur un
tueur en série, le côté pyschopathologique.
Ces références se mêlent souplement grâce à
l'écriture de Laurent Martin. Un style fait de phrases courtes, très
courtes, un travail sur la répétition, sur les assonances qui
donnent un rythme rapide tout en laissant l'impression d'un monde à l'arrêt,
une écriture qui colle à l'ambiance atone qui baigne tout le livre.
Le vocabulaire simple et précis, avec de brusques envolées poétiques,
les dialogues qui sonnent justes montrent le savoir-faire de Laurent Martin
et achèvent de faire de l'Ivresse des Dieux un roman noir qui mérite
tout à fait le grand prix de littérature policière qu'il
a reçu.