TONY HILLERMAN - le premier aigle
De roman
en roman, Tony Hillerman nous fait mieux pénétrer dans la tribu
navajo au travers de ses deux héros, flics et indiens, Jim Chee et Joe
Leaphorn. Les années passent et Jim hésite toujours à faire
sa vie avec une Américaine un peu trop policée tandis que Leaphorn
vieillit, prend sa retraite sans s'éloigner de la police tribale. Entre
ces deux hommes, on retrouve un mélange de respect, d'agacement aussi.
Le traditionalisme de l'un s'est heurté plus d'une fois au détachement
de l'autre.
Leaphorn, aujourd'hui retraité, décide de devenir un privé
et part à la recherche d'une jeune biologiste disparue en pleine étude
de terrain, entre chiens de prairie et puces atteintes de la peste bubonique.
Chee se retrouve forcément sur une affaire parallèle lorsqu'il
cherche l'assassin d'un policier tué près de sa voiture sur les
terres navajo. Tous deux ne manqueront pas de s'entraider mais l'essentiel est
sans aucun doute dans ces relations humaines qui ne cessent d'évoluer
entre le non-dit, le silence, les demi-mots et les phrases sacrées.
Hillerman accentue chaque fois cet art de la suggestion. L'amour, l'amitié,
la haine, tout est toujours avancé avec précaution sans élever
la voix, sans forcer le sentiment outre mesure. Il se dégage de ces enquêtes
parfaitement construites, voire même complexes, une impression de paix,
de mystère et de respect pour la religion indienne sans qu'à aucun
moment l'auteur ne cède au folklore ou à la banale aventure polar.
Chaque livre accentue encore cette profondeur littéraire, cette tristesse
aussi devant l'évolution du monde, qui s'allie parfaitement avec un genre
qui exige du rebondissement et un fond social. Unique en son genre, Hillerman
ne déçoit jamais ses lecteurs.
Dinah Brand.