DOMINIQUE MANOTTI - le corps noir


C'est un livre qui pose très clairement la question du roman policier et de la définition du genre. On y trouve en effet un flic de la brigade mondaine au cœur d'une guerre des polices, des exactions typiques du grand banditisme, cambriolages spectaculaires, enlèvements, assassinats et un mélange corsé de manœuvres clandestines et de magouilles financières.

Seulement toute l'histoire se déroule à Paris entre le 6 juin et le 25 août 1944, entre le débarquement des Alliés en Normandie et l'entrée de la 2e DB dans la capitale. Dira-t-on de Dominique Manotti qu'après avoir été une historienne qui écrivait des romans noirs (dont Sombre sentier et Nos fantastiques années fric, couronnés l'un et l'autre par des prix dans des festivals du roman policier), elle est devenue une transfuge du roman noir qui se met au roman historique ? Peu importe. Ce qui est sûr c'est que Le Corps noir est un roman passionnant qui s'inscrit parfaitement dans la lignée des précédents (on y retrouve même la passion de l'auteur pour les chevaux.)

La frénésie qui s'empare de Paris dans les dernières semaines de l'Occupation est un cadre parfait pour qui aime le suspense. Un industriel, collaborateur notoire, est peut-être en train de préparer en sous- main l'arrivée des Alliés ; les résistants de la dernière heure s'empressent de se refaire une vertu ; la guerre fait rage entre les anciens membres de l'Abwehr, service de renseignement de la Wehrmacht, dissous en février 1944, et la SS.

Que ces événements soient non seulement vraisemblables mais avérés change évidemment la perspective. Dominique Manotti rappelle ce que fut la collaboration des milieux économiques et intellectuels français. Il coule autant de sang que de champagne dans son roman. Elle rappelle surtout que s'il y avait en France 1 800 Allemands membres de la Gestapo en 1944, il y avait aussi 30 000 auxiliaires gestapistes français.

Gérard Meudal