CLAUDE IZNER - le carrefour des écrasés


Novembre 1891. Au carrefour situé entre le Faubourg Poissonnière et la rue Montmartre, surnommé le Carrefour des Ecrasés, gît le cadavre d’une jeune femme dont le visage a été vitriolé. Détail troublant, elle ne porte pas de chaussures. Peu après Grégoire Mercier, un berger " en chambre ", apporte un escarpin rouge qu’il a découvert sur le lieu de l’accident à Victor Legris, libraire et détective amateur, escarpin dont la semelle est constituée d’un carton portant l’en-tête de la librairie. Victor est intrigué et comme primo il possède un esprit aventureux et curieux, et que secundo son associé Kenji, à la vue de ce soulier prend un fiacre sans donner d’explications, il ne peut s’empêcher de se lancer dans une nouvelle enquête, avec l’aide de son commis Joseph. Lequel a entendu l’adresse donnée au cocher, un institut pour jeunes filles huppées. C’est là que réside la filleule de Kenji, la mystérieuse Iris. Elle avait prêté ses chaussures à une condisciple, Elisa, qui devait se rendre théoriquement chez sa mère chanteuse " d’andalouseries ", mais officieusement devait retrouver son galant, un nommé Gaston. Elle ne sait pas où celui-ci demeure, seulement que de son appartement on entend hurler les loups. Victor et Joseph vont se partager le travail de recherche, une virée qui les emmènera du Jardin des Plantes à un quartier du XIIIème arrondissement, ruelle des Reculettes, où vit Mercier, le fameux berger en chambre, ses chèvres occupant un appartement au cinquième étage d’un immeuble, en passant par le Moulin Rouge jusqu’au Chat noir, côtoyant les artistes de l’époque, poètes, chanteurs, musiciens, peintres.

Une plongée réjouissante dans le Paris de 1891, reconstitué avec minutie et vivacité, relatant par exemple les différentes prestations des artistes se produisant au théâtre de l’Eldorado, boulevard de Strasbourg, les lazzis lancés à leur encontre, la devise du pétomane " seul artiste ne payant pas de droits d’auteur ", la gloire naissante du Moulin Rouge, celle déjà établie du Chat noir, les tâtonnements de Tasha, l’amante de Victor, qui cherche son style pictural, et bien d’autres images dont justement les essais de Victor à la photographie. Une série dont les débuts étaient prometteurs et qui s’affirme comme un vrai petit régal.

Paul Maugendre