JEAN-LUC BIZIEN - la chambre mortuaire



N'entre pas qui veut dans le domaine du polar historique. L'originalité du sujet est primordiale. Coup sur coup, deux écrivains situent leurs intrigues dans le Paris de la fin du XIXe siècle (ce qui n'est pas rare), à l'époque où la médecine s'intéresse de près à la psychiatrie balbutiante (ce qui n'est pas banal).
Sur la couverture d'« Obscura », de Régis Descott, un détail du « Déjeuner sur l'herbe » d'Edouard Manet, toile célèbre qui fit scandale lorsqu'elle fut dévoilée, intrigue. La réponse, dans les premiers chapitres, est aussi imprévue qu'horrible : on découvre, dans une demeure provençale inoccupée, une reconstitution du tableau faite avec des cadavres. L'affaire remonte jusqu'à un médecin parisien, Jean Corbel, qui la rapproche des confidences que lui a faites l'une de ses patientes, une prostituée qui lui dit s'appeler Obscura : l'un de ses clients lui a fait prendre la pose d'« Olympia » - encore Manet. Tandis que dans la cité tentaculaire plusieurs jeunes filles disparaissent de manière inexpliquée. Un point commun entre elles, pourtant : elles ressemblent à Victorine Meurant, le modèle favori de Manet.
L'énigme, qui risque de mettre en jeu non seulement sa vie, mais encore celle de sa compagne, Sibylle, comédienne débutante, Corbel va tenter de la résoudre avec l'aide de Gérard, ami médecin et aliéniste, qui travaille dans la clinique du fameux docteur Blanche (celui-là même qui soigna Gérard de Nerval), lequel, outre ses qualités de praticien, est un grand amateur de peinture.
Où commence et où s'arrête la folie ? Quels rapports peut-elle entretenir avec la création et l'art, et l'art avec la mort ? Régis Descott s'interroge au fil d'un récit qui n'hésite pas à mener le lecteur dans les recoins les plus sombres, les plus mystérieux et les plus terrifiants de l'esprit humain. Une exploration-choc, menée bon train.

Maladies mentales.

Ce n'est pas un héros mais une héroïne qui mène la danse dans « La Chambre mortuaire », de Jean-Luc Bizien. Sarah Engelwood, jeune et charmante Anglaise désargentée résidant à Paris, doit, après une expérience sentimentale désastreuse, trouver du travail. Le docteur Simon Bloomberg, qui l'engage comme assistante, est un drôle de personnage qui vit dans une drôle de maison de la rue Mazarine, encombrée d'objets collectionnés par sa femme, égyptologue, et traversée en son milieu par une cage abritant deux chimpanzés.
Alors que Jean-Martin Charcot poursuit ses expériences à la Salpêtrière, Bloomberg se penche, lui aussi, sur les maladies mentales, désavoué (mais sans doute aussi jalousé) par ses confrères ; persuadé que l'enfermement des aliénés n'est pas une solution, il lui préfère la liberté sous surveillance et l'aide des médicaments - il emploie d'ailleurs à son service Ulysse, un colosse qu'il soigne et qui lui est entièrement dévoué.
Bizien, créateur de jeux de rôle et auteur d'ouvrages pour la jeunesse, sait ménager ses effets ; jamais l'intrigue ne se relâche, et les questions s'accumulent : où se trouve l'épouse de Bloomberg, véritable Arlésienne dont on parle et qu'on ne voit jamais ? Que signifient les différents meurtres qui ensanglantent la capitale et qui ont tout l'air d'être l'œuvre d'une secte ? L'inspecteur Léonce Desnoyers et son adjoint, Raoul Mesnard, sont sur la piste. Sarah, courtisée par un confrère de Bloomberg, va se trouver dans l'œil du cyclone. Tout finira bien, rassurez-vous, dans la pure tradition du roman-feuilleton. En attendant de pied ferme un prochain épisode.

MICHEL PAROUTY
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