EDUARDO MENDOZA - le labyrinthe aux olives


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Si elle est en Espagne un événement majeur des lettres, la publication d’un nouveau Mendoza attire en France depuis une quinzaine d’années l’intérêt du public et de la critique. Finaliste des prix Médicis et Fémina, meilleur livre de l’année pour la revue Lire, La ville des prodiges inaugure en 1988 une reconnaissance qui se poursuivra en 1992 avec le prix des lectrices de Elle pour L’Année du déluge et en 1998 avec la nomination d’Une comédie légère comme « meilleur livre étranger ». Ainsi la sortie de l’Artiste des dames traduit par François Maspero en ce début 2002 promet-elle de faire écho à l’engouement général qui a accueilli la sortie de El tocador de señoras en Espagne au printemps 2001. La raison d’un tel goût en deçà et au-delà des Pyrénées est à chercher dans la place qu’occupe l’écrivain barcelonais dans la culture espagnole et dans le réjouissant plaisir de lire qu’il a su donner par une œuvre riche, documentée, caustique et réjouissante.
Né en 1943, avocat de formation, Eduardo Mendoza publie en 1975 son premier roman, La vérité sur l’affaire Savolta, alors que le franquisme se meurt et que s’instaure une transition démocratique qui ne prendra réellement fin qu’avec la victoire des socialistes en octobre 1982. Ce livre, qui interroge avec acuité la Barcelone du début du XXème siècle, est reconnu de nos jours comme l’œuvre pionnière de la « nueva narrativa actual ». Or c’est à New-York où il est interprète des Nations Unies entre 1973 et 1982 que Mendoza l’écrit. Curieusement, le déracinement et l’étrangeté semblent être les ferments de l’écriture mendozienne. Premiers volets de la trilogie que clora l’Artiste des dames, Le mystère de la crypte ensorcelée (1979) et Le labyrinthe aux olives (1982) narrent les aventures délirantes d’un enquêteur psychopathe dans la Barcelone actuelle croquée dans un style humoristique qui rappelle le roman picaresque. La ville des prodiges (1986) prend la forme d’une parabole sur la capitale catalane entre l’Exposition universelle de 1888 et l’Exposition internationale de 1929 à partir de la trajectoire d’un parvenu, Onofre Bouvila, fraîchement débarqué de sa campagne et prêt à toutes les vilenies pour prospérer. Sans nouvelle de Gurb (1990), dans le droit fil des Lettres persanes de Montesquieu, conte les aventures de deux extraterrestres polymorphes dans la Barcelone préolympique. Le premier prendra l’apparence de… Madonna pour explorer la ville cependant que l’autre, travesti en… Commandant Cousteau ou en Empereur du Japon le traquera sans relâche dans les lieux les plus inattendus. Jouant du pastiche et de l’ironie, clignant de l’œil à son lecteur au détour d’une page, Mendoza s’inscrit cependant dans la tradition espagnole de création romanesque et de réflexion sociale. Preuve en est la belle biographie qu’il vient de consacrer à Pío Baroja dont l’empreinte n’a cessé de s’exercer sur le roman social du XXème siècle.

Michel Bourret, professeur de littérature espagnole contemporaine -Université Paul Valéry, Montpellier