CARYL FEREY - haka


La cohérence du cri.

Autodidacte voyageur, féru de rock et de philosophie, Caryl Férey est le type même du jeune homme dont on a envie de connaître l’avis sur le monde de 2004. Voilà qui tombe bien : il écrit des romans, aussi bien sur la France que sur la Nouvelle-Zélande, à l’aide d’un détective irlando-nietzschéen comme de flic désabusé. Il n’est certes pas un cas isolé (que non ! -il est simplement l’un des auteurs les plus intéressants arrivés avec la vague de jeunes des années 95), mais les références de notre auteur (de Noir désir à Godard, de Nietzsche aux Clash) forment une exigence qui, dans la société de 2004, font plaisir et interpellent la curiosité. Ses romans sont des polars ou des thrillers politiques très « concernés » sur notre monde. L’homme, normand de naissance, a deux passions, qu’il a su allier et travailler : faire le tour du monde et écrire des (terribles) histoires.

Une chose frappe d’emblée, à la lecture des romans comme à la connaissance de l’individu : la vivacité. Un œil acéré et attentif. Ce regard, on le retrouve dans la façon dont sont abordées les maoris, victimes et/ou coupables (Haka et Utu), on le retrouve aussi dans la façon de vivre du drolatique McCash (vu dans Plutôt crever, on devrait le revoir en 2005). Ce regard, c’est celui de l’homme qui a voyagé et vu plusieurs pays à plusieurs reprises. Ce regard, c’est aussi celui d’un individu conscient du trou noir social que doivent subir ceux nés à la fin des années soixante et dans les années soixante-dix, jeunes gens condamnés à vie à la précarisation économique, encore plus damnés s’ils sont autodidactes, leur passion remplaçant l’amour et l’eau fraîche de la génération LSD. Cette position, Férey la connaît et la dépasse (voir entretien dans Enjoy Polar – octobre 2004).

Une chose frappe encore : à la manière des thrillers américains, les polars de Férey nous distraient et nous informent. Qu’ils nous baladent de la Bretagne au Pays Basque (Plutôt crever), qu’ils nous enfoncent dans le Larzac de José Bové (Les causes du Larzac) ou dans les meurtres rituels maoris sur fond d’affairisme politiques à Auckland (Haka et Utu), Férey n’oublie pas de nous en apprendre et de nous faire évader. Et de prendre un territoire connu (le thriller) pour nous faire rencontrer un pays que peu connaissent (la Nouvelle-Zélande, les spoliations des terres maoris).

Une chose frappe toujours chez Caryl Férey : ses références. Platon, Nietzsche, Godard, les Clash, Noir Désir, Pessoa, Glenn Gould. Références bien précises et peu innocentes, qu’il a le talent de ne pas faire que citer : regardez bien la construction du personnage de McCash, qui n’est pas nietzschéen pour rien… Une telle intelligence dans l’utilisation des figures tutélaires laisse admiratif.

Enfin, chose frappante et heureuse : l’évolution de l’écriture chez notre auteur. De plus en plus précise, diabolique, resserrée : parfaite pour un thriller. A présent, chez Férey, on « danse comme on vide un chargeur », après que « dans un flash aveuglant, la foudre déchira le monde ».

Une chose frappe chez Férey : ses polars sont comme des cris. De longs cris qui contiendraient toute une histoire.

Portrait de Caryl Ferey par Hubert Artus.