DAVID PEACE - GB 1984


1974, 1977, 1980, 1983. Cauchemar collectif. Obsession personnelle. Cadavres. Gamines dépecées. Femmes mutilées. Tueur insaisissable. David Peace, surdoué du roman noir, avait disséqué les journaux, revisité chaque détail, retrouvé et interviewé deux détectives impliqués dans l’affaire pour composer les quatre volets du Red Riding Quartet : chronique du Yorkshire des années 80, hanté par la figure symbolique de « l’éventreur », métaphore d’un pays en deuil de lui-même, lessivé par la crise économique – celle de la mine et du textile.
La mine justement, David Peace y revient dans ce GB 84 qui pourrait être la suite des précédents, le cinquième épisode de cette histoire de régression sociale et culturelle. Peace y raconte par le menu la grande grève des mineurs britanniques brisée par Margaret Thatcher avec la violence que l’on sait. Omniprésence policière, brutalité de la répression, manipulations, infiltrations, campagnes de presse. Avec le même souci de la précision documentaire, du détail et de l’angle juste. La même structure éclatée, véhémente, polyphonique. Les mêmes phrases syncopées, la même brutalité des mots et du propos, le même bombardement des images et des situations. C’est le chaos que Peace veut montrer, le récit hallucinatoire d’une guerre civile qui se terminera sur la défaite des syndicats et l’avènement d’une société dominée par l’idéologie libérale. Il y réussit à la perfection, laissant son lecteur « sonné » par ce texte virtuose, sans doute son chef-d’œuvre à ce jour.

Michel Abescat.