GILLES BORNAIS - Franconville, bâtiment B


C'est une tranche de vie ordinaire, un an de l'existence banale dans les HLM de la banlieue parisienne. La Mare-aux-Fées et ses environs ne sont même pas une de ces cités chaudes qui font régulièrement la une de l'actualité, simplement un coin d'Ile-de-France qui est passé trop brutalement de la culture de la cerise et de la passe-crassane à la cité-dortoir. On y vole bien de temps en temps quelques enjoliveurs de voitures, mais le problème ici, ce n'est pas la violence, c'est l'ennui.
Ainsi la vie de Richard Mortais tient tout entière dans un triangle routinier formé par le magasin Mondial pêche où il travaille comme vendeur, le Leclerc au bord de la nationale 14, celle qui va à Pontoise et son F3 du bâtiment B à Franconville-la-Garenne. Il a pour tout compagnon un chien et un poste de télévision. Ses seules orgies sont la consommation immodérée de sirop d'orgeat additionné de Perrier, à cause de la nostalgie pour la colle blanche de son enfance. Il y a bien deux bières dans le réfrigérateur, au cas où un copain passerait, mais il ne vient jamais personne depuis que Raoul, le voisin de palier, a quitté sa femme. Richard et Raoul se connaissent depuis le collège mais l'un a mal tourné, l'autre pas. Raoul s'est retrouvé à la prison d'Osny et Richard, à quelques kilomètres de là, vend ses cannes à pêche entre la Halle aux chaussures et Monsieur Meuble, juste en face de Speedy. Raoul, qui a quitté sa femme, est un jour venu la revoir pour lui réclamer de l'argent, une dispute a éclaté puis un coup de feu. Françoise est morte mais les témoignages des voisins se contredisent. Est-ce Raoul qui a tiré ou une des gamines du couple, âgée de sept ans, qui aurait manipulé une arme par accident ? Tout accuse Raoul, sa violence, son profil de toxicomane, et Richard est bien le seul à croire à son innocence. La croisade qu'il entreprend pour sauver son vieux copain est touchante, mais on n'en comprend pas immédiatement toutes les motivations. Agit-il par amitié, pour tromper son ennui ou pour d'autres raisons plus obscures ? Franconville, bâtiment B n'est peut-être pas un véritable roman policier, même si l'enquête criminelle y est soigneusement démontée, pas même un roman noir, plutôt un roman gris mais d'un gris à vous coller durablement le bourdon parce que la violence n'y est même pas spectaculaire, elle n'est que le versant lamentable et désespéré d'une insondable solitude.


Gérard Meudal