CLAUDE AMOZ - étoiles cannibales


Attention, fragiles!

Les romans de Claude Amoz s'attachent à raconter des histoires de modestes, de gens qu'on croise dans la rue en se disant qu'ils ne vont pas bien. Certains tendent la main, comme les SDF, héros fragiles de Etoiles cannibales. D'autres s'enferment dans leurs douleurs enfantines comme le docteur Trévy d'Un de trop, chirurgien qui s'est mis à trembler quand le passé est remonté comme un reproche. La romancière s'interroge en permanence sur la mémoire et ses secrets qui déterminent toute la vie et ferment la porte à l'espoir. Etoiles cannibales a pour décor un foyer pour marginaux avec ses bénévoles plus ou moins maladroits, ses éducateurs un peu paumés, hommes et femmes de tous pays et de toutes origines. Cette soupe populaire est un peu la dernière étape avant la rue, le froid, la mort solitaire. Claude Amoz y ajoute la noirceur du polar avec les meurtres de sans-abri, brûlés vifs pendant leur sommeil. Une belle occasion de montrer la société du doigt et sa justice à deux vitesses.

Un de trop reprend une autre obsession littéraire de la romancière: les blessures de l'enfance. Le docteur Trévy ne peut effacer de ses souvenirs l'instant où son petit frère a disparu dans les roseaux de Camargue, pendant des vacances familiales. Est-il coupable, responsable? Cette question continue de lui pourrir la vie, au point de vouloir revoir les lieux et faire son pèlerinage. A travers ces deux récits publiés au même moment, l'écrivain ne se pose pas en juge, elle se place à côté de ses personnages, écoute leur détresse, dit leurs peurs. Son écriture sobre, sa manière de décrire un geste incongru, un croisement de regards s'agrippent à un réalisme aussi poétique qu'impitoyable faisant de Claude Amoz un auteur essentiel du polar français.

Dinah Brand