ROBERT CRAIS - deux minutes chrono


En délaissant pour un temps son duo de détectives, Elvis Cole et Joe Pike, l'Américain Robert Crais n'abandonne pas ses obsessions. La famille, la séparation, la quête du père restent ses sujets de prédilection et Deux minutes chrono n'échappe pas à la règle. Le héros, Max Holman, sort de prison pour entrer dans une phase de semi-liberté qui ne lui donne pas le vertige, plutôt un sentiment d'inquiétude. Il a passé trop de temps derrière les barreaux. L'homme est seul, son ex-femme est morte. Il n'a même pas revu son fils, aujourd'hui adulte et marié. La dernière fois qu'il a eu de ses nouvelles, c'était pour apprendre que le garçon venait d'entrer dans la police de Los Angeles. Une manière de refuser le dicton «tel père, tel fils». A l'instant de récupérer ses affaires au parloir, de commencer une vie différente, Max reçoit la nouvelle en pleine figure: son fils vient d'être tué avec ses équipiers. Conditionnelle ou pas, il veut comprendre ce qui s'est passé et décide de mener l'enquête. Une forme de rédemption vis-à-vis de cet enfant qu'il n'a pas élevé. Une nouvelle fois, Robert Crais sait trouver le rythme idéal du roman policier. Il alterne les moments d'action, de violence et d'émotion sans jamais se tromper ni surdoser. Son héros est un homme perdu mais obstiné et excessivement malin. Il avance comme un taureau avec son idée fixe et connaît toutes les ficelles de la pègre.
Formé à l'école du scénario de télévision (il a participé aux séries Deux flics à Miami, Hill Street Blues et La loi de Los Angeles), Robert Crais a le sens du dialogue et des accélérations inattendues. Son écriture n'est jamais neutre et son goût pour les personnages secondaires lui permet de nourrir son intrigue, de lui donner de la chair. Depuis presque vingt ans, le romancier ne déçoit pas ses lecteurs américains mais les Français ne l'ont vraiment découvert qu'en 2001, à son quatrième livre traduit, L.A. Requiem, récit très noir en hommage à ses auteurs fétiches: Raymond Chandler et Ross Mcdonald. L'an dernier, L'homme sans passé revenait sur la jeunesse d'Elvis Cole, son personnage récurrent. Face à un SDF affirmant qu'il était son père, Cole savait qu'il devait payer sa dette. Aujourd'hui, dans Deux minutes chrono, l'image est inversée. Robert Crais, lui, n'a jamais connu son père. La littérature policière est sans doute sa meilleure psychanalyse.