DONALD HARSTAD - code 10
Avec
deux titres traduits en français, Onze Jours et surtout Code 10, qui
eux aussi font la part belle à l’ultra droite et ses théories,
Donald Harstad mérite que l’on braque sur lui un peu de lumière.
Au premier abord, rien de bien révolutionnaire chez ce policier de l’Iowa
saisi, comme tant d’autres flics avant lui, par le démon de l’écriture.
Pourtant, ces deux romans montrent qu’en matière de procédure
policière, on a affaire à un maître. Le sous-genre du «
procédural », lancé par Mc Givern, Waugh et Mc Bain, avant
d’être illustré brillamment par Joseph Wambaugh ou Patricia
Cornwell, prend ici un coup de jeune. Harstad a choisi pour décor l’Iowa
où il a exercé trente ans les fonctions de shérif rural.
Cet État, ignoré jusqu’alors du roman policier, apparaît
donc comme un lieu exotique, ses habitants comme des indigènes aux moeurs
particulières, très éloignées, et finalement si
proches, de celles des citadins des villes tentaculaires. Dans Onze Jours, le
héros, Carl Houseman, shérif en second du comté de nation,
amateur de beignets et de café, guetté par l’infarctus,
faux balourd mais vraie fine mouche, découvre presque par hasard des
meurtres rituels et l’emprise d’une secte sur ses « paroissiens
». Dans Code 10, l’assassinat d’un policier chargé
de repérer des plantations occultes de cannabis le persuade rapidement
de la présence sur place de groupes paramilitaires néo-nazis.
L’intervention immédiate des stups et du FBI, le contrôle
jaloux de ses découvertes l’oblige à travailler tout en
finesse pour poursuivre ses investigations. Outre que sa documentation sur les
sectes comme sur l’ultra droite témoigne d’une précision
qui prouve qu’il ne va pas chercher ses informations sur Internet mais
sur le terrain, l’intérêt de ses enquêtes procède
paradoxalement de l’effacement de l’auteur derrière la volonté
documentaire, le respect scrupuleux de la réalité de la procédure,
dans toutes ses contradictions et ses aspects les plus ingrats, les plus banals.
Pas de lyrisme superflu, pas de graisse inutile, pas d’enquêteurs
géniaux aux intuitions fulgurantes. Ici, la vieille formule 5 % d’inspiration
95 % de transpiration, prend tout son sens. On peut préférer des
récits savamment alambiqués ou si complexes que le dénouement
reste incompréhensible, mais les amateurs de procédure policière
ne pourront manquer d’apprécier la maîtrise d’Harstad,
son habileté à instruire du fonctionnement et des techniques de
la police rurale dans un comté ignoré de tous, sans jamais cependant
que documentation et information phagocytent et plombent le récit. Si
l’on ajoute un décor qui surprend jusqu’au lecteur américain,
une région en elle-même personnage, l’épaisseur du
shérif Houseman et des seconds rôles, on pourra affirmer sans exagération
qu’il s’agit là de création authentique et que, dans
un genre qui peine à se renouveler, un nouvel auteur est né. À
suivre.
Roger Martin.