PATRICK PECHEROT - les brouillards de la butte
Où
l'on voit André Breton jouer de l'automatique et pas seulement de l'écriture.
En pleine nuit, au beau milieu du cimetière de Montmartre ! Dans le Paris
des années 1920, des émules de la bande à Bonnot poursuivent
leur entreprise de "récupérations individuelles", mais
avec moins de bonheur que Raymond la Science et consorts. Après un fric-frac
chez un aristo, ils se retrouvent en possession d'un coffre-fort dont le contenu
s'avère plutôt encombrant : un cadavre.
Flairant une affaire de chantage qui les dépasse, ils viennent de mettre
le doigt dans un sacré engrenage qui va multiplier les macchabées.
Ils auront bien besoin de l'intervention des surréalistes de la rue Fontaine
pour se tirer de ce mauvais pas et découvrir que leurs petites arnaques
ne sont que des broutilles comparées au pillage à grande échelle
auquel se sont livrés certains gros industriels après la première
guerre mondiale. L'évocation du Montmartre des Années folles,
où truands, anarchistes "illégalistes", surréalistes
se croisent et s'entraident à l'occasion, en rêvant d'un monde
où "la beauté sera convulsive ou ne sera pas", est particulièrement
réussie. Même le langage sonne juste, on y "brûle le
dur", on va respirer "le sirop de la rue", mais ce n'est pas
un pastiche. Après tout, le pont de Tolbiac n'a pas le monopole du brouillard.
Celui de la butte est tout aussi fascinant... Ce bal des innocents n'est pas
un épisode inattendu des Nouveaux Mystères de Paris, c'est l'acte
de naissance de Nestor Burma et le plus bel hommage qu'on pouvait rêver
à Léo Malet.
G.Ma.