JOHN BURDETT - Bangkok 8
Dans le huitième district de Bangkok, le folklore est à l’honneur. La Capitale du plaisir charnel y est au maximum de son ébullition. Mais si ce district est atypique, c’est parce qu’y travaille Sonchaï Jitpleecheep, le seul policier intègre de Thaïlande, au plus grand désespoir de son supérieur, colonel de son état. Sonchaï est un métis issu d’une fille de joie devenue depuis femme d’affaires, et d’un GI retourné au pays.
La vie de Sonchaï est chamboulée à l’issue d’une filature qui tourne mal. Alors que le flic guidé par Bouddha, et son fidèle acolyte, frère de sang, suivent une voiture conduite par un autre GI américain à la stature et aux tatouages impressionnants avec à ses côtés une splendide Thaïe, ceux-ci sont dépassés par un gang en moto qui force la voiture à s’arrêter, tandis qu’un des motards prend en croupe la Thaïe. À cet instant, les deux policiers ne soupçonnent aucunement l’importance du drame qui se joue. Dans la voiture, des serpents, des dizaines de serpents. Et un mort. Qui sera suivi d’un deuxième : le comparse de Sonchaï. Alors que ce dernier extermine les serpents un à un en leur tirant dessus, il jure de venger son ami.
Sonchaï s’immisce alors dans les rues méandreuses de la ville. Explore les maisons de joie, découvre le milieu du jade. Contraint et forcé, il a troqué son partenaire habituel contre une jolie agent américaine. Ils ont tout pour se rapprocher, sauf que plane l’ombre de l’ancien binôme de Sonchaï. Il faut que vengeance s’accomplisse. Le coupable semble être un riche et influent ressortissant américain aux mœurs sexuelles plus que douteuses. Leur enquête, si l’on excepte la rencontre de Khmers rouges psychopathes et de colonels véreux, se mue en une véritable plongée dans le monde transsexuel.
John Burdett nous propose sa vision de Bangkok, ville aux milles lumières, sur un rythme affolant. Nous nous rapprochons du cœur de la cité à vitesse grand V. Découvrant ses dessous, soupçonnés mais jamais avoués. Nous sommes aveuglés par les néons, le foutre des bordels aux chambres entassées les unes sur les autres, où le moindre Occidental est traité comme un roi, et où le moindre de ses fantasmes est réalisé, voire même dépassé.
Bangkok 8 est un roman qu’on ne peut laisser tomber. Le style est foudroyant. Les personnages attirants et enivrants. Les lieux, on les sent, on les palpe. La chaleur, elle nous étouffe. Le désir de l’autre, il nous colle sans cesse à la peau. Ce roman est parfait.
Sauf qu’on a l’impression d’avoir entre les mains un livre sponsorisé par les plus grandes marques et cela énerve prodigieusement. Depuis le caleçon jusqu’au téléphone portable en passant par le tailleur, la voitures, la montre... On connaît toutes les étiquettes : on peut relever jusqu’à quinze noms de marque sur une seule page ! Pour un peu, on se croirait dans un nouveau film de James Bond. Mais si on arrive à oublier ces messages même pas subliminaux, c’est à grand-peine qu’on pose ce livre, une fois terminé. Car malgré ce gros défaut, John Burdett a délivré un grand roman.
Julien Védrenne.