DAN BROWN - anges & démons
Votre
roman commence à l'intérieur d'un site scientifique en Suisse,
le Cern. Ce service existe réellement. De quoi s'agit-il?
Dan Brown. Le Cern - Conseil européen pour la recherche nucléaire
- est le plus grand centre de recherche scientifique au monde. Il est situé
à Genève, en Suisse, et emploie plus de 3 000 des meilleurs scientifiques.
Le Cern abrite un accélérateur de particules souterrain qui mesure
plus de vingt-deux kilomètres de long et s'étend jusqu'en France.
En outre, le Cern (à la grande surprise des Américains!) est le
lieu de naissance du Worldwide Web, dont j'évoque l'étrange commencement
dans le roman. Cependant, le plus grand titre de gloire du Cern est d'avoir
été le premier à fabriquer une chose nommée antimatière...
la substance la plus volatile que l'humanité ait jamais connue.
L'antimatière joue un rôle impressionnant dans Anges et démons
et paraît tout à fait terrifiante. Est-elle réelle?
D.B. Absolument. L'antimatière est la source d'énergie ultime.
Elle libère de l'énergie avec 100% d'efficacité (la fission
nucléaire est efficace à 1,5%). L'antimatière est 100 000
fois plus puissante que le carburant de fusée. Un seul gramme contient
l'énergie d'une bombe atomique de 20 kilotonnes - la taille de la bombe
larguée sur Hiroshima. En plus d'être fortement explosive, l'antimatière
est extrêmement instable et prend feu au moindre contact... y compris
celui de l'air. Elle ne peut être stockée qu'en la suspendant dans
un champ électromagnétique à l'intérieur d'une boîte
métallique ne contenant que du vide. Si l'action du champ échoue
et si l'antimatière tombe, le résultat est une «parfaite»
conversion matière/antimatière, phénomène que les
physiciens appellent de manière adéquate «annihilation».
Le Cern produit maintenant régulièrement de petites quantités
d'antimatière dans sa recherche pour de futures sources d'énergie.
L'antimatière ouvre des perspectives considérables; elle ne crée
ni pollution ni rayonnement, et une simple gouttelette pourrait alimenter New
York pendant toute une journée. Avec la diminution des combustibles fossiles,
la promesse de l'exploitation de l'antimatière constituerait un énorme
saut pour le futur de cette planète. Naturellement, la maîtrise
de l'antimatière apporte avec elle un terrible dilemme. Cette nouvelle
et puissante technologie sauvera-t-elle le monde, ou sera-t-elle employée
pour créer l'arme la plus mortelle jamais inventée?
Comment les symboles des Illuminati, évoqués dans le livre,
peuvent-ils figurer au dos des billets d'un dollar?
D.B. Ces signes conventionnels occultes sont une source de grande consternation
pour les spécialistes des symboles. Le dessin, conçu à
l'origine par Charles Thomson, a été présenté au
Trésor des Etats-Unis dans les années 1940, époque à
laquelle il est largement admis que la confrérie des Illuminati, après
avoir été écartée d'Europe, s'était répandue
en Amérique et avait infiltré des cercles de francs-maçons.
A ce moment-là, beaucoup de maçons étaient de hauts fonctionnaires
gouvernementaux. Henry Wallace, le vice-président, était l'un
d'eux, et la plupart des universitaires estiment aujourd'hui que l'officialisation
du dessin du Grand Sceau doit beaucoup à l'influence de Wallace. Qu'il
ait pris sa décision en tant que membre des Illuminati infiltré
ou, innocemment, sous leur influence, personne ne le saura jamais, mais c'est
bien Wallace qui a convaincu le président Roosevelt d'utiliser ces symboles.
Naturellement, ceux qui penchent pour la thèse de la conspiration ont
plaisir à préciser que Franklin D. Roosevelt était lui
aussi un maçon de haut rang.
Anges et démons parle d'agences d'espionnage, de théories
de la conspiration, de technologies classées. Où puisez-vous vos
sources?
D.B. Je suis stupéfié de voir combien l'information «secrète»
est disponible si on sait où creuser. La loi sur la liberté de
l'information est une grande chance, parce qu'elle peut conduire des spécialistes
à parler. Dans beaucoup de cas, de manière compréhensible,
ils préfèrent demeurer anonymes, mais certains aiment être
cités. De temps en temps, la recherche dépend juste d'une publication.
Par exemple, l'essentiel de la description qui dépeint dans Anges et
démons le rituel intime du conclave de Vatican - le collier fileté
des votes, le mélange produits chimiques, le fait de brûler les
bulletins - vient d'un livre, édité par les Presses de l'Université
de Harvard, écrit par un jésuite érudit qui a interviewé
plus de cent cardinaux; évidemment je n'aurais jamais eu ni le temps
ni les relations de le faire.