EDUARDO GALLARZA - le soviet des fainéants


Quand il n'écrit pas, Eduardo Gallarza est un économiste, spécialiste de la planification financière! Difficile à imaginer lorsqu'on referme son premier roman, qui témoigne d'une imagination phénoménale. Nikola Tesla, un savant génial d'origine serbe installé aux Etats-Unis, a passé sa vie à chercher un moyen d'éradiquer toutes les guerres. Soupçonnant que Babbitt, l'un de ses disciples, a mis au point en France une arme monstrueuse, il charge Henri Fèvre, un jeune Parisien, d'enquêter.

Nous sommes dans les années 30; l'affaire Stavisky bat son plein et l'Hexagone vit au rythme des conflits politiques et des affaires de corruption dont l'extrême droite fait son miel, stigmatisant une République corrompue. Fèvre se retrouve prisonnier d'un engrenage dont il ne connaît ni les tenants ni les aboutissants. Espions, industriels véreux, faux Russes, journalistes troubles, tueurs sans pitié... le jeune homme avance sans bouclier dans une jungle épaisse. Ses pas le portent bientôt vers ses anciens comparses du Soviet des fainéants, un groupe qui quelques années plus tôt rassemblait des fleurons des milieux de l'art, de la politique et du milieu tout court.

Eduardo Gallarza est un architecte littéraire! Retours en arrière, apartés, coupures de presse et correspondances s'imbriquent à la perfection. Comme pour une œuvre dramatique, l'auteur plante le décor, dans lequel il introduit Fèvre. Comédien de fortune contraint à improviser sur une scène hostile, il découvre son rôle à mesure qu'il le joue. Dans ce monde de faux-semblants, où peu d'êtres sont ce qu'ils prétendent être, le jeune homme qui a toujours été étranger à lui-même tente de se reconquérir, de construire un "nouveau Fèvre". Et l'on emboîte fermement le pas de ce héros un brin désenchanté, dans une France à l'aube du cataclysme, dont l'auteur connaît à la perfection l'histoire et la culture.

Alexie Lorca