YASMINA KHADRA - les hirondelles de Kaboul


Il fut un temps où la légende de Kaboul rivalisait avec celle de Samarkand ou de Bagdad. Ce temps-là n'est plus. Kaboul est désormais une ville aux allures de mouroir dont la littérature célèbre aujourd'hui les tourments. C'est à un écrivain algérien que l'on doit le grand roman d'une cité dévastée, fatiguée par des années de guerre: Yasmina Khadra met toute son efficacité narrative au service d'un conte effrayant et sublime dont on jurerait qu'il lui fut inspiré par quelque antique génie. Il était une fois, sous le règne des taliban... un geôlier qui s'abandonnait au renoncement, un avocat sans clientèle happé par la rhétorique des mollahs, deux femmes promises à un destin grandiose.
Tous les thèmes de l'oppression sont ici célébrés: la banalité du mal, l'hystérie des foules, la puissance du sacrifice, l'ombre de la mort. Et surtout le règne de l'absurde. Car les personnages de Yasmina Khadra sont les petits-enfants de ceux d'Albert Camus. Parce qu'il a écrit ce livre trop vite, dans une urgence que rien ne justifie vraiment, Khadra n'a pas su leur donner assez d'épaisseur psychologique, et les maladresses s'accumulent dans les premières pages. Mais quel dénouement! Quel suspense! C'est la foudre qui s'abat sur le lecteur lorsque le destin désigne enfin ses victimes et s'apprête à les entraîner vers l'abîme. On sort chancelant de ce livre à la beauté âpre et tragique, écrasé par le poids terrifiant de ce grand ennemi: la solitude.

François Busnel.