HENNING MANKELL - le cerveau de Kennedy
Quel auteur se plaisait à dire qu'il s'inquiétait quand il s'examinait mais qu'il se rassurait dès qu'il se comparait? De Henning Mankell, on aurait envie d'affirmer le contraire. Surtout après la lecture du «Cerveau de Kennedy» où l'écrivain suédois, abandonnant son personnage fétiche, l'inspecteur Wallander, nous embarque dans un roman d'aventures échevelé, nous promenant de la Grèce à la Suède et de l'Australie au Mozambique.
Louise, une archéologue, quitte ses fouilles du Péloponnèse pour retrouver son fils mort mystérieusement chez lui, à Stockholm. La police conclut à un suicide. Louise croit au meurtre. Elle enquête. Pourquoi son fils, dont elle connaissait au fond si peu de chose, s'intéressait-il à l'assassinat de Kennedy? D'où provenaient les sommes d'argent dont il disposait? Etait-il un maître chanteur? Ou un humanitaire horrifié par la misère de l'Afrique et les ravages du sida? L'ancien mari de Louise, qui s'était joint à son enquête, disparaît dans des circonstances bien troubles. A-t-il été éliminé lui aussi?
Aucun doute, on se rassure avec ce dernier Mankell, surtout après le ratage de son précédent roman. L'auteur connaît l'Afrique orientale comme sa poche. La peinture qu'il nous donne du Mozambique et des mouroirs pour malades du sida est saisissante. Son récit est mené tambour battant. Son héroïne a peur. Nous aussi. Ils semblent partout, ces tueurs de l'ombre acharnés à protéger de redoutables secrets. Lesquels? Doit-on donner crédit à l'existence de ces mystérieux laboratoires souterrains, dignes du Docteur Mabuse, où des malades africains sont dépecés vivants par d'abominables médecins acharnés à trouver un vaccin contre le sida, afin d'enrichir de non moins abominables firmes pharmaceutiques?
Et voilà où l'on finit par s'inquiéter. Dès que l'on compare Mankell... à qui? A John le Carré évidemment! La référence s'impose. Souvenez-vous de «la Constance du jardinier»: l'Afrique, les milieux diplomatiques, les tests clandestins sur de malheureux cobayes africains, l'emprise des grandes entreprises pharmaceutiques. Malheureux Mankell! John le Carré, lui, est un écrivain majeur, qui donne une densité romanesque à chacun de ses personnages. Chez le Suédois, tout va vite. Trop vite. Ses personnages restent un peu creux, et ses indignations brouillonnes. Aucun lecteur, il est vrai, n'est tenu d'avoir déjà lu le Carré. Ou de tout comparer à l'aune des meilleurs. Et on ne voit pas comment qui ouvrirait ce «Cerveau de Kennedy» ne tournerait pas la page avec fébrilité, jusqu'à la dernière. Alors, qu'on s'inquiète ou qu'on se rassure, bonne lecture!